mardi 25 février 2014

Vivre sa mort en direct : Mode d'emploi

Caroline Kilesse

Vijay and I s’ouvre sur une scène typique d’un réveil dans une famille ordinaire. Will Wilder (Moritz Bleibtreu) père de famille, se croit oublié par les siens le jour de son quarantième anniversaire. Un concours de circonstances le fait passer pour mort. Il décide alors de ne pas démentir l’information et réalise un fantasme universel : assister à son propre enterrement. Soutenu par son meilleur ami Rad (Danny Pudi), Will se transforme en hindou afin de passer inaperçu lors de ses funérailles. De fil en aiguille, Will se laisse emporter dans sa supercherie et décide alors de rester à jamais Vijay.
A mi-chemin entre la comédie et la romance, Sam Garbarski se lance dans un récit audacieux et aborde des thèmes difficiles. Une question persiste : tous ces thèmes peuvent-ils être mis en scène ?


D’abord, à travers des dialogues cinglants et sarcastiques, ce film montre la culture hindou sous toutes ses formes et sans tabou. Dans son restaurant, Rad formate à la perfection les employés afin de montrer à la clientèle les serveurs tels qu’elle se les imagine. Du relooking en passant par les cours de diction à l’épilation intégrale, Will accepte toutes les contraintes afin de devenir l’indien idéal. Enfin prêt, il fait face à toutes les réactions négatives de ses proches lors de son enterrement. L’histoire aurait pu s’arrêter là si sa propre femme n’était pas tombée amoureuse de lui (Vijay). Il n’avait donc plus d’autre alternative que de rester dans son personnage et profiter de la fragilité de sa femme pour la (re)conquérir. Will, Vijay, Vijay, Will…tant de confusion pour finalement ne parler que d’un seul et même homme.

Ensuite, se pose la question du dédoublement de la personnalité, autrement appelé la schizophrénie. Camouflée par le scénario humoristique, cette maladie est bel et bien un trait de personnalité évident de Will (Vijay). Rêver de vivre en direct ses funérailles est consensuel. En revanche, ne faudrait-il pas se demander où est la limite entre le fantasme et la maladie ? Will ne s’est pas juste transformé en une autre personne pour un laps de temps, il a refusé toute éventualité de redevenir l’homme qu’il était avant. Après le relooking, l’épilation et l’apprentissage de la culture indienne, Vijay en vient même à adopter le mode de vie hindou au quotidien pour le plus grand bonheur de son épouse. Par son ambiance drôle et décalée, le film parvient à banaliser la schizophrénie.

De plus, les situations sont coquasses mais parfois immorales et souvent peu réalistes. Après la banalisation de la maladie,  voilà que ce film banalise également le deuil. Cette période durant laquelle un homme ou une femme doit faire face à la disparition de son conjoint est généralement abordée avec des pincettes. Vijay and I montre l’inverse de ce scénario. En effet, le cynisme dans la présentation du deuil que subit Julia (Patricia Arquette) n’est pas réaliste et emmène le spectateur dans un monde immoral. Il rit de cette situation sans penser à son coté tragique. Ne serait-ce pas malsain ?

Par contre, ce film mériterait la Palme d’Or de l’immigration réussie. Etre indien deviendrait presqu’un « must ». En effet, Julia et tout son entourage finissent par préférer Vijay à Will ; l’indien au « blanc ». Le nec plus ultra est de vivre dans la peau d’un hindou quelques heures par jour afin d’adopter son mode de vie social, culturel et professionnel. Enfin un film qui valorise l’intégration !


Malgré un scénario léger et une mise en scène sans surprise, Vijay and I propose un moment divertissant tout en abordant des thèmes délicats.



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